Les États-Unis ont connu, en 2021, 4 pics de démissions. Le dernier d’entre eux est le plus important, avec 4,5 millions de démissions selon le Bureau of Labor Statistics. Un record depuis 2001, début des statistiques à ce sujet.

Qu’en est-il pour la France ? le marché du travail est moins flexible en France qu’outre-Atlantique où les contrats peuvent très facilement se rompre par l’une ou l’autre des parties. Le turnover des salariés français en CDI est plus faible, car les barrières institutionnelles et psychologiques sont très fortes.

Même si elle est moins marquée qu’aux États-Unis, cette vague de démissions a gagné la France, et en premier lieu les salariés ayant connu une période de chômage partiel (cf enquête de la Dares). Spécificité française, ce mouvement se combine avec une pénurie de CDD, dans des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, l’accueil, le tourisme, l’agriculture… Le nombre de démissions en CDI s’est accéléré au second trimestre 2021, se situant respectivement en juin et juillet 2021. Mais peut-on pour autant parler de Grande Démission ?

« Comme le marché américain, le marché de l’emploi français, est sensible aux effets de cycle conjoncturel, avec un taux de chômage à 8,1% qui devrait refluer pour atteindre 7,6% à l’été 2022. Mais, en France, les mouvements cycliques du marché du travail sont moins marqués qu’aux États-Unis.

La rémunération demeure un levier d’attraction puissant pour les secteurs les plus touchés par ces démissions et manque de main-d’œuvre en CDD. Les entreprises vont parfois devoir réfléchir à une revalorisation de leur grille salariale, comme ce qui vient d’être conclu dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Mais d’autres leviers intéressants peuvent se trouver dans les conditions de travail et jouer en faveur ou défaveur de l’entreprise. On en dénombre cinq principaux :

  • La précarité de l’emploi
  • Une injonction à innover, se dépasser, travailler « plus » qui peut peser et conduire certains jusqu’au burn out ;
  • Un manque de reconnaissance ;
  • Une culture d’entreprise toxique, (manque de promotion de la diversité, de l’égalité professionnelle et de l’inclusion, et des comportements irrespectueux à l’égard des salariés)
  • Une mauvaise gestion de la crise COVID

L’amélioration des conditions de travail est un champ à creuser : adapter les horaires, les diversifier selon les besoins, revoir le nombre de jours d’emploi et le nombre d’heures quotidien, accentuer la possibilité de télétravail et de travail à distance en cumulé avec les congés.

L’enrichissement des tâches est aussi à investiguer pour certains métiers. Diversifier les tâches, développer la polyvalence, remonter le niveau de responsabilité dans les métiers dits « d’exécution » permettrait de donner de la reconnaissance et d’améliorer le sentiment d’appartenance et d’utilité.

Enfin, l’écoute et le recueil des souhaits d’évolution professionnelle des collaborateurs, notamment avec l’Entretien professionnel permet d’échanger sur un temps dédié et de demander au salarié quel serait son besoin de formation et son envie d’évolution. Le salarié revient alors au coeur du fonctionnement de l’entreprise et exprime ses intérêts individuels. Le bilan de compétences est un outil au service de l’entreprise lorsqu’il donne au salarié la possibilité de découvrir ses compétences transférables ou de mettre en adéquation ses souhaits d’évolution avec les besoins de l’employeur.

Il est trop tôt pour savoir si le taux de démission va continuer à progresser et ainsi augmenter les difficultés de recrutement. Mais selon Anthony Klotz, professeur américain à l’origine de l’expression « Great Resignation », cette tendance devrait se poursuivre cette année. « Il ne s’agit pas simplement de chercher un autre emploi ou de quitter son entreprise, mais bien de prendre en main son travail et sa vie personnelle en prenant cette grande décision de démissionner.

La capacité à bien recruter et bien expliquer le projet, les métiers et les valeurs de l’entreprise donnera un avantage certain aux structures qui savent préparer les RH, les cadres et responsables de service à gérer les phases de recrutement et les entretiens de façon la plus efficace. Le rapport entre employeur et employé doit pouvoir trouver un équilibre avec la recherche d’adéquation « homme/poste » et le bon rapport entre contribution à l’entreprise et intérêt individuel.